Zoé Ancion, Agence Nationale de la Recherche
Jean-François Lutz, Bibliothèque de l’Université de Lorraine
Pierre Mounier, EHESS, OpenEdition
Irini Paltani-Sargologos, DDOR, CNRS

Résumé : Ce document qui a le statut de “discussion paper” présente une cartographie des acteurs de la publication de revues en accès ouvert Diamant en France ainsi que leur stratégie en lien avec des initiatives internationales en cours. Il permet de souligner la diversité des initiatives en présence et la structuration progressive des communautés engagées dans la communication de recherche (toutes disciplines confondues, y compris les sciences humaines et sociales) en accès ouvert Diamant en France autour des infrastructures.

Contexte

L’émergence de l’accès ouvert Diamant à la fin des années 1990 est observée simultanément dans des espaces géographiques divers et dans toutes les disciplines. Dans la majorité des cas, il s’agissait de revues publiées par des presses universitaires, des sociétés savantes, des départements d’université, des laboratoires d’institutions de recherche tirant parti du développement du Web pour diffuser leurs articles en accès ouvert. La plateforme Revues.org née en 1999, « fédération de revues de sciences humaines et sociales animée par une équipe bénévole de jeunes chercheurs » est un des premiers exemples de mutualisation des efforts pour permettre à ces revues, quelquefois anciennes, d’être diffusées sur ce nouveau support de communication. Certaines communautés ont saisi l’occasion de créer de nouvelles revues, entièrement numériques et en accès ouvert, à l’instar de Cybergeo, créée en 1996. Ces revues, majoritairement en sciences humaines et sociales, mais aussi en sciences, technique et médecine, perpétuent dans des conditions nouvelles une tradition ancienne de prise en charge par la communauté de recherche de la diffusion des savoirs qu’elle produit, en marge du développement au cours des dernières décennies d’une édition motivée par des intérêts et des acteurs commerciaux.

C’est le sens originel que la mathématicienne française Marie Farge donne au terme « édition Diamant » en 2012 lors d’un échange avec Tim Gowers, dans le cadre du mouvement Cost of Knowledge. Il s’agit alors de désigner ces revues en accès ouvert qui sont dirigées par les chercheurs, possédées par les institutions et sociétés savantes qui les représentent, et appuyées sur des infrastructures publiques qui leur fournissent les moyens techniques de leur diffusion. D’après la récente étude Open access Diamond Journals Study (OADJS, 2021) on recense aujourd’hui un archipel de 17 à 29 000 revues en accès ouvert Diamant qui couvre l’ensemble des disciplines¹.

Définitions

La définition faisant consensus, et en particulier depuis la publication de l’étude internationale OADJS, qualifie l’accès ouvert Diamant comme un modèle d’édition de recherche en accès ouvert immédiat qui n’implique pas de paiement de frais de publication (article/book processing charges) pour les auteurs ou leur institution de rattachement.

On observe néanmoins des nuances de définition selon la manière dont est appréciée la gouvernance et le statut des acteurs adoptant le modèle d’accès ouvert Diamant. Ainsi, le Diamond OA Action Plan met l’accent sur le fait que l’accès ouvert Diamant doit viser à développer un écosystème de publication de recherche piloté par les communautés académiques. Pour ce qui est du statut des acteurs, certaines définitions précisent que l’accès ouvert Diamant est porté par les acteurs à but non lucratif (notamment pour la Commission européenne², ou le CNRS³ en France⁴ ). Enfin, soulignons la définition proposée par le projet européen DIAMAS qui établit pour sa part une distinction entre les « éditeurs institutionnels » (universités, institutions de recherche et sociétés savantes) qui ont le contrôle et la propriété des titres, et les « fournisseurs de services » qui concourent à différentes étapes de leur publication et qui, eux, peuvent être des acteurs à but lucratif.

L’écosystème Diamant en France : une évaluation quantitative toujours à réaliser Dans la suite de l’étude internationale Open Access Diamond Journals Study, plusieurs études nationales ont été menées dans un certain nombre de pays (Norvège5, Suisse5, Allemagne6, Slovénie7 ). Aucune étude de cette nature n’a encore été réalisée en France. Si l’on veut donc quantifier l’importance du secteur Diamant en nombre de revues, on en est réduit à faire un certain nombre de conjectures : le nombre de revues dont le pays d’édition est France et qui sont déclarées « sans APC » dans le DOAJ, est de 279. En règle générale, de nombreuses revues Diamant ne sont pas référencées dans le DOAJ, soit qu’elles ne répondent pas à tous les critères de qualité requis, soit que l’équipe de rédaction de la revue n’ait pas jugé utile de s’y référencer. Un travail interne de recensement effectué avec la plateforme de signalement des revues françaises Mir@bel dans le cadre du projet DIAMAS fait apparaître 350 revues supplémentaires, ce qui porterait le total à environ 630 revues. La plateforme OpenEdition Journals compte de son côté 400 revues Diamant éditées en France, auxquelles on pourrait ajouter les 180 revues diffusées par les plateformes du réseau Repères, pour un total de 580 revues. Il faut être conscient que cela laisse de côté les nombreuses revues publiées par les sociétés savantes qui sont diffusées sur des sites web indépendants, les sites de laboratoire ou d’universités.

L’écosystème Diamant en France : le rôle moteur des infrastructures

Les initiatives nationales

Des infrastructures complémentaires :

• OpenEdition L’infrastructure de recherche pour la communication scientifique ouverte en sciences humaines et sociales OpenEdition est un acteur majeur de l’édition Diamant en France, ce qui reflète bien la prééminence de ce modèle de publication en accès ouvert pour ces disciplines. En tant qu’infrastructure nationale, OpenEdition est financé par quatre institutions publiques de recherche : le CNRS, Aix-Marseille Université, l’EHESS et l’Université d’Avignon, ainsi que par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR). Sa plateforme de revues OpenEdition Journals diffuse aujourd’hui plus de 400 revues Diamant publiées majoritairement par des sociétés savantes, des presses universitaires et des institutions de recherche comme le CNRS. Créée il y a 25 ans sous la dénomination Revues.org, OpenEdition peut être considéré comme un pionnier mondial de ce modèle de publication aux côtés de Redalyc en Amérique latine.

Une des particularités d’OpenEdition est d’avoir développé un modèle économique original pour soutenir la durabilité financière de l’accès ouvert Diamant : le programme Freemium. Ce modèle original, qui allie accès ouvert aux contenus et commercialisation de services premium, dont la majorité des revenus reviennent aux éditeurs de contenus, fait aussi la preuve que subvention publique et économie de marché peuvent s’allier au sein du modèle Diamant pour développer des modèles de publication équitables.

Métopes Créée en 2018, l’infrastructure Métopes est conçue à l’usage des éditeurs et au service de l’activité éditoriale de l’ensemble des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche en France. Elle a pour missions principales, d’une part de fournir un ensemble d’outils et de méthodes propres à permettre la constitution de fonds éditoriaux structurés et, d’autre part d’assurer des fonctions de diffusion des produits éditoriaux, numériques ou imprimés, au plus près des missions, des besoins et des objectifs de diffusion des résultats et des données de la recherche et en pleine connaissance des impératifs de l’idéal d’accès ouvert et des enjeux économiques qui les sous-tendent. Travaillant en articulation étroite avec des plateformes de diffusion comme OpenEdition d’une part et les éditeurs publics et presses universitaires de l’autre, l’infrastructure Métopes fait la démonstration de la manière dont l’édition en accès ouvert Diamant a pu s’appuyer en France sur des infrastructures travaillant en réseau pour se développer.

Des plateformes institutionnelles organisées de manière disciplinaire et / ou fédérative

• Centre Mersenne : le centre Mersenne est une infrastructure d’édition de recherche en accès ouvert Diamant développée par Mathdoc (unité d’appui et de recherche du CNRS et de l’Université Grenoble Alpes). Il fournit l’ensemble des outils et services d’édition qui permettent aux équipes éditoriales de gérer, produire et diffuser leur publication. Il vise à promouvoir l’édition de recherche et la diffusion de publications (revues, livres, séminaires et colloques) de toutes disciplines scientifiques engagées dans l’accès ouvert et publiant en LaTeX.
• Le réseau Repères, qui fédère la majorité des pépinières et plateformes institutionnelles de revues principalement en SHS : le réseau Repères (REnforcer les PEpinières de REvues et la dynamique de la Science ouverte) est un réseau métier spécialisé dans l’édition de revues en accès ouvert. Les pépinières de revues se développent au plus près des chercheurs et de leurs lieux de travail afin de les accompagner dans leurs projets et permettre à leur revue d’accéder à des plateformes comme OpenEdition Journals. Elles obéissent à des fonctions locales d’hébergement et d’accompagnement des revues⁸ .

Acteurs explorant des formes de publication innovantes qui s’appuient sur les archives ouvertes

• Episciences : Episciences est une plateforme d’édition et de publication de recherche en accès ouvert Diamant couvrant toutes les disciplines. Cette plateforme propose à ce jour 26 épi-revues qui s’appuient toutes sur des archives ouvertes. Les revues d’Episciences sont toutes dotées d’une ligne éditoriale et d‘un projet de publication singulier ; elles disposent d’un système complet d’édition sur leur propre site, ce qui leur permet de gérer à la fois le workflow éditorial et la publication des articles. Le nombre d’épi-revues d’Episciences est en hausse régulière depuis plusieurs années ; une trentaines de revues sont à prévoir d’ici la fin 2023.
  • Peer community In : Peer Community In (PCI) est un modèle éditorial lancé par des chercheurs français de l’INRAE fonctionnant sur un système de recommandation et de relecture de preprints. Peer Community In s’appuie sur des archives ouvertes, ce qui garantit un système de publication affranchi des frais de publication en accès ouvert. Il existe à ce jour 16 PCI disciplinaires, un PCI multidisciplinaire consacré aux Registred reports, ainsi qu’une revue Diamant Peer Community Journal.

Des éditeurs publics fermement engagés dans l’édition Diamant

Les éditeurs de publications de recherche sont les premiers acteurs de l’édition. En France, différentes formes de publication en accès ouvert, qui n’impliquent pas de paiement de frais de publication pour les auteurs ou leur institution de rattachement sont proposées depuis longtemps par des éditeurs, notamment publics (les presses universitaires en particulier), aussi bien en ce qui concerne les livres que les revues. Selon un récent rapport⁹, la France comprend une centaine de presses universitaires et autres structures publiques d’édition de recherche.

Une implication forte des établissements de recherche et des universités

L’ensemble de ce mouvement n’aurait pas pu se faire sans un soutien important en fonds et en personnel apporté par les établissements publics de recherche et d’enseignement supérieur. Ainsi, on peut considérer que les établissements de recherche et assimilés (CNRS, INSERM, IFREMER, INRAE, IRD, etc.) et les universités fournissent plusieurs centaines de postes à l’édition de recherche (livres et revues), que ce soit dans les infrastructures, les structures d’édition ou les laboratoires de recherche qui publient des revues Diamant.

L’implication des bibliothèques universitaires dans le soutien au modèle Diamant

Au cours des quinze dernières années, l’engagement des bibliothèques universitaires françaises dans le soutien à l’édition Diamant s’est renforcé et a pris plusieurs formes :

• Un travail de coopération et de partenariat a été noué entre les bibliothèques et plusieurs acteurs de l’édition dans le but de construire de manière coordonnée des modèles de financement pérenne. Le consortium Couperin joue un rôle important dans ce domaine en soutenant le développement du modèle freemium mis au point par OpenEdition (voir supra) ou en promouvant le modèle de partenariat de la plateforme québécoise Érudit.
• L’engagement financier des bibliothèques françaises pour le soutien de l’édition ouverte est en augmentation constante. Il a historiquement débuté avec le modèle Freemium d’OpenEdition lancé en 2011 et soutenu à ce jour par 175 bibliothèques universitaires françaises. Les soutiens financiers se sont multipliés au fil des années, à la faveur de l’apparition de nouvelles plateformes d’édition (SciPost par exemple), d’acteurs favorisant l’investissement dans les infrastructures essentielles de la science ouverte (en particulier SCOSS pour le DOAJ, le DOAB ou Redalyc) ou bien à l’occasion de la réallocation de crédits auparavant consacrés à un bouquet de revues commerciales (Université de Lorraine en 2018 par exemple). Plus récemment, le modèle Subscribe to Open (S2O)¹⁰ est exploré avec intérêt par les bibliothèques françaises, notamment avec Annual Reviews, premier éditeur qui a lancé un tel programme, ainsi qu’avec EDP Sciences, dont certaines revues comme la célèbre Astronomy & Astrophysics, ont déjà opéré une bascule vers un modèle S2O. Enfin, les bibliothèques universitaires françaises s’impliquent fortement dans la mise en place de pépinières et de plateformes de revues scientifiques en accès ouvert Diamant. Le mouvement, lancé dès 2008 par l’Université de Nice (plateforme Revel), compte à ce jour environ 180 revues diffusées par 16 plateformes qui se sont fédérées au sein du réseau Repères (voir supra). Si certaines de ces plateformes sont animées par d’autres structures que les bibliothèques (les MSH notamment), ces dernières sont majoritairement présentes au sein de ce réseau (avec, par exemple, les plateformes des universités de Clermont-Ferrand, Lyon Saint-Étienne, Lille ou encore Bordeaux).

Les instruments politiques

• Dans son axe dédié aux publications de recherche, le deuxième plan national pour la science ouverte (PNSO) s’engage à soutenir des modèles de publication en accès ouvert qui n’impliquent pas de paiement de frais de publication pour les auteurs. Plusieurs éléments sont soulignés pour atteindre cet objectif (soutien au modèle Subscribe to Open, développement et soutien des innovations éditoriales, mise en place d’un plan de soutien à l’édition de recherche, création d’une alliance des éditeurs scientifiques publics, soutien à l’édition structurée multisupports).

• FNSO : Le Fonds national pour la science ouverte constitue l’instrument financier du Plan national pour la science ouverte. Il a pour vocation de soutenir financièrement des projets et des initiatives venant d’acteurs aussi bien publics que privés concourant au développement de la science ouverte, afin de construire un écosystème dans lequel la science est plus cumulative, plus fortement étayée par des données, plus transparente, plus rapide et d’accès universel. Il est alimenté par des dotations ministérielles et par des contributions volontaires en provenance des établissements d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation. Il peut recevoir également des contributions d’associations, de fondations et de mécènes.

Les deux premiers appels à projets FNSO (2019-20 et 2021), à hauteur de 4,9 millions d’euros, ont en grande partie été alloués au financement de projets favorisant l’édition Diamant. À l’image des deux premiers appels, le troisième appel à projets FNSO (2022-23), dont les résultats ne sont pas encore connus à ce jour, consacrera lui aussi une partie de son financement à de nouveaux projets Diamant. Par ailleurs, en 2022 l’ANR a annoncé un abondement de 850 000 euros au FNSO en soutien aux projets Diamant notamment dans le cadre du troisième appel à projets.

• Plans de soutien à l’édition scientifique : un premier Plan de soutien à l’édition scientifique¹¹, co-porté par le MESRI et le Ministère de la Culture, s’est achevé en décembre 2021. Ce premier Plan, financé à hauteur de 16,7 millions d’euros (dont 13 millions pour les groupements de commande d’abonnement des bibliothèques), s’est déployé sur une période de cinq ans (2017 – 2021) et a soutenu CAIRN, OpenEdition, EDP Sciences pour un montant de 2,45 millions. Le deuxième Plan de soutien à l’édition scientifique (2022 – 2026), doté de 18 millions d’euros (dont 15 millions pour les groupements de commande d’abonnement des bibliothèques) , concerne à nouveau ces trois acteurs pour un montant de 3 millions sur cinq ans¹². Il prévoit d’encourager la transition de revues notamment en modèle Diamant : pour CAIRN, dix revues¹² se sont engagées en 2022 et 2023 dans une expérimentation du modèle Subscribe to Open (S2O) ; pour OpenEdition, le plan de soutien vise à soutenir le modèle freemium et à faciliter l’abandon de la barrière mobile pour certaines des revues qui en disposent encore ; enfin, pour EDP Sciences, le plan de soutien permet la publication en accès ouvert dans 30 revues sans frais de publication pour les auteurs des établissements membres du groupement et la mise en place du modèle Subscribe to Open pour certaines des revues qu’elle édite.

Quels modèles économiques pour l’accès ouvert Diamant ? Le modèle Diamant est souvent perçu comme relevant exclusivement de la subvention publique en amont de la publication. La réalité est plus diverse. L’étude OADJS a mis en évidence la variété des ressources qui viennent appuyer la pérennité des publications Diamant : Une part importante de ces ressources est fournie par les chercheurs eux-mêmes qui réalisent en sus de leurs missions premières de recherche et d’enseignement, un travail éditorial conséquent. Les infrastructures financées sur fonds publics jouent un rôle crucial par les services non facturés qu’elles leur apportent. Avec OpenEdition, Métopes et Episciences, la France se distingue des autres pays par l’importance de ce type de soutien organisé au niveau national. Les institutions structurantes au niveau national, comme le CNRS, en particulier l’INSHS, jouent un rôle crucial en apportant des ressources en postes et en argent à ces revues. Les universités et institutions de recherche concourent au développement de ce modèle via les presses universitaires et autres structures publiques d’édition de recherche. Des modèles économiques innovants impliquant la contribution des bibliothèques universitaires comme le modèle Freemium porté par OpenEdition et le modèle Subscribe to Open porté par EDP Sciences et Cairn, font la démonstration que le modèle Diamant n’est pas incompatible avec des formes de contractualisation qui relèvent davantage de mécanismes de marché et qui viennent apporter les ressources complémentaires dont ces revues ont souvent besoin. Finalement, la variété des sources de financement dont bénéficie ce modèle en France fait la démonstration de sa robustesse et de sa grande flexibilité.

Leur positionnement dans le contexte international 

La France est un acteur investi dans plusieurs initiatives européennes et internationales.

• Appel de Jussieu pour la science ouverte et la bibliodiversité (2017) : L’appel de Jussieu pour la science ouverte et la bibliodiversité, qui a eu une résonance mondiale en étant signé par plus d’une centaine d’acteurs de la recherche française et mondiale, rappelle notamment qu’il est important de soutenir la diversité des acteurs de l’édition scientifique, ainsi que la diversité des modalités de communication de la recherche.

Ce manifeste se termine par un appel à renforcer l’édition Diamant (sans toutefois la nommer ainsi), par le biais de sa huitième et dernière affirmation : “Priorité doit être donnée aux modèles économiques de publication qui n’impliquent le paiement ni par les auteurs pour publier, ni par les lecteurs pour accéder aux textes. De nombreux modèles économiques équitables existent, par soutien institutionnel, par implication ou souscription des bibliothèques, par commercialisation de services premium, par financements participatifs, par constitution d’archives ouvertes, qui ne demandent qu’à être étendus et généralisés. ».

• OPERAS : OPERAS (Open scholarly communication in the european research area for social sciences and humanities) est un projet d’infrastructure de recherche européenne développé à partir de 2016 à l’initiative d’OpenEdition qui en est le coordinateur. Rassemblant plus de 50 institutions partenaires en provenance de 16 pays européens, OPERAS fédère les acteurs de la publication ouverte pour proposer un ensemble de services aux communautés de recherche en SHS. Étant donné la prééminence du modèle Diamant dans ces disciplines, OPERAS a inscrit le soutien à ce modèle comme un des axes fondamentaux de son plan de développement stratégique dans les années à venir.

• OA Diamond Journals Study : Commanditée par Science Europe et la cOAlition S, cette étude parue en mars 2021 a visé à mieux connaître le paysage des revues Diamant au niveau mondial et à identifier en particulier les difficultés opérationnelles rencontrées par ces revues. Elle a été réalisée par un consortium de dix organisations européennes coordonnées par OPERAS. Les résultats de l’étude ont inspiré plusieurs études subséquentes réalisées au niveau national : Norvège, Suisse, Slovénie en particulier. Aucune étude similaire n’a encore été réalisée au niveau français.

• Open Science European Conference (OSEC): Lors de la conférence OSEC organisée en février 2022 par le Ministère français de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) dans le cadre de la Présidence Française de l’Union Européenne, une session fut consacrée à l’avenir de l’édition de recherche. Elle fut largement consacrée au modèle Diamant avec les présentations de l’étude OADJS (Pierre Mounier) et du plan d’action Diamant (Johan Rooryck (cOAlition S) et Lidia Borrell-Damián (Science Europe).

• Action Plan for Diamond Open Access: Plan publié en mars 2022, porté par l’ANR, OPERAS, Science Europe et la cOAlition S. Ce plan est signé par 150 organisations à ce jour dont de nombreuses institutions françaises, parmi lesquelles le CNRS. Il s’articule autour de quatre priorités : 1) La mutualisation des services ou des structures pour gagner en efficacité en partageant des outils. 2) L’adoption de standards de qualité éditoriaux. 3) La création d’un Capacity Centre for Diamond Publishing (centre fédéré au niveau mondial pour rassembler des ressources pour soutenir l’ensemble de ces revues, de manière coordonnée). 4) Enfin, la pérennisation du modèle Diamant, en garantissant la propriété des titres et des plateformes Diamant par les communautés scientifiques elles-mêmes, notamment via la promotion de pratiques administratives et financières transparentes. Dans ce cadre une première conférence Diamant fut organisée à Zadar (Croatie) en 2022 avec les signataires du Plan d’action.

• DIAMAS et Craft-OA : En 2022, la Commission européenne a publié deux appels à projets visant à soutenir la publication « institutionnelle » en accès ouvert (institutional publishing), qui, dans bien des cas, recouvre les modèles de publication Diamant. Les deux projets lauréats, DIAMAS et CRAFT-OA, ont pour objectif de fournir un soutien et des ressources sur le plan des bonnes pratiques, des standards de qualité éditoriale et de la pérennité financière pour l’un, et sur le plan des infrastructures techniques pour l’autre. DIAMAS est coordonné par l’Université d’Aix-Marseille pour OpenEdition, CRAFT-OA est coordonné par l’Université de Göttingen avec une forte participation d’OpenEdition. Les deux projets ont pour ambition de fournir les briques qui permettront de construire le centre de ressources fédéré prévu par le Plan d’Action Diamant. L’infrastructure de recherche européenne OPERAS participe fortement aux deux projets, en particulier pour préparer l’exploitation des résultats des projets et leur intégration au niveau de l’EOSC.

• La déclaration de Paris et la coalition COARA : À la suite de la publication de la recommandation de l’UNESCO sur une Science ouverte et du texte de la Commission européenne « Vers une réforme du système d’évaluation de la recherche », le Comité français pour la Science ouverte a préparé l’Appel de Paris sur l’évaluation de la recherche, dans le cadre de la Présidence française de l’Union Européenne. Cet appel, présenté lors des journées européennes de la science ouverte (OSEC), suggère la création d’une coalition dédiée à la réforme de l’évaluation de la recherche. CoARA (Coalition for Advancing Research Assessment) qui rassemble des agences de financements, des universités et centres de recherche et des institutions d’évaluation, a pour objectif d’améliorer l’évaluation de la recherche. CoARA rassemble aujourd’hui 510 membres¹³, dont 42 sont issus de l’ESR Français. La France est également active dans le Steering board de CoARA par le biais de Sylvie Rousset (CNRS).

La réforme de l’évaluation vise aussi à favoriser la bibliodiversité, en reconnaissant notamment qu’il existe une diversité des productions scientifiques et des modalités de communication de la recherche.

Le modèle d’accès ouvert Diamant et le futur de la communication scientifique

Les initiatives mentionnées soulignent la structuration progressive du modèle Diamant ainsi que sa diffusion dans l’évolution de la communication de la recherche aux niveaux national, européen et international. En témoigne, en France, la diversité des initiatives Diamant et des possibilités de leur financement à travers le FNSO par exemple ; mais également l’engagement du réseau science ouverte rassemblant les agences de financement françaises¹³ à signer le Plan d’action Diamant et à soutenir la diversité des modèles de publication en accès ouvert, ainsi que d’identifier « les leviers de financement en soutien aux modèles d’édition scientifiques équitables, transparent et pilotés par les communautés »¹⁴. Au niveau européen, l’évolution du positionnement de la plateforme ORE ou les projets DIAMAS et CRAFT-OA indiquent l’intérêt de la Commission européenne pour ce modèle. C’est aussi le cas des récentes conclusion du conseil de l’Union européenne sur une publication universitaire de qualité, transparente, ouverte, fiable et équitable¹⁵ qui soulignent l’importance, pour les états membres et la commission, de soutenir des modèles de publication en accès ouvert sans frais pour les auteurs ou les lecteurs.

Par ailleurs, la coalition CoARA et les travaux sur la réforme de l’évaluation de la recherche devraient également favoriser un changement des pratiques en mettant l’accent d’avantage sur la qualité, la diversité, l’inclusivité et l’équité plus que sur des facteurs bibliométriques. Les notions de bibliodiversité et d’équité sont également centrales lorsqu’on aborde la question de l’accès et de la diffusion des savoirs ; comme le souligne la recommandation de l’UNESCO sur une science ouverte, elles sont au cœur du modèle d’accès ouvert Diamant. Ce dernier apporte une réponse pertinente aux inégalités engendrées d’une part par le système lecteur-payeur (qui consiste à payer pour lire la littérature de recherche), d’autre part par le système auteur-payeur (qui consiste à payer des frais de publication pour publier en accès ouvert).

En octobre 2023, le sommet global sur l’accès ouvert Diamant qui réunira à Toluca au Mexique la communauté des chercheurs, des éditeurs, des universités, des organismes de recherche, des financeurs, des bibliothèques, des sociétés savantes et des décideurs politiques, devrait permettre un renforcement supplémentaire de l’écosystème Diamant. La communauté des signataires du Plan d’action Diamant se réunira également à cette occasion et abordera le modèle Diamant sous le prisme des notions de qualité et de pérennité, d’équité, consubstantielle à la notion de bibliodiversité. Ce sommet est le premier organisé au niveau mondial en partenariat entre Redalyc, UAEMéx, AmeliCA, UNESCO, CLACSO, UÓR, ANR, cOAlition S, OPERAS, et Science Europe.

Conclusion

Le modèle français de soutien à la publication en accès ouvert Diamant est à la fois ancien, diversifié, bien ancré dans les pratiques des communautés scientifiques, et il s’appuie en grande partie sur les infrastructures. Ces infrastructures, dont certaines sont d’ores et déjà inscrites dans la stratégie nationale de recherche, permettent aux différents acteurs de se coordonner. Elles jouent un rôle pivot et font la preuve de leur place centrale dans le développement de l’accès ouvert Diamant.

NB : Mise à jour avec apport de précisions sur le Plan de Soutien à la demande du MESR en date du 31/08/2023

1. 60% SHS, 22% sciences, 17% médecine. Information issue de la p.7 / 203 de Bosman, Jeroen, Frantsvåg, Jan Erik, Kramer, Bianca, Langlais, Pierre-Carl, & Proudman, Vanessa. (2021). OA Diamond Journals Study. Part 1: Findings. https://doi.org/10.5281/zenodo.4558704 [↩]
2. On trouve cette approche notamment dans l’appel à projet Horizon Europe INFRA Enabling an operational, open and FAIR EOSC ecosystem de janvier 2022 : « (…) not-for-profit and no APC based (‘diamond’) open access publishing initiatives. » [↩]
3. https://www.cnrs.fr/fr/science-ouverte-le-cnrs-apporte-son-soutien-au-plan-daction-dacces-ouvert-Diamant [↩]
4. On peut signaler une définition marginale qui va jusqu’à indiquer que le financement de l’accès ouvert « Diamant » n’est issu que des seuls acteurs « étatiques » (rapport de l’OPECST, mars 2022). [↩]
5. Frantsvåg, J.E. Diamond Open Access in Norway 2017–2020. Publications 2022, 10, 13. https://doi.org/10.3390/publications10010013 [↩] [↩]
6. Bruns, A., Taubert, N. C., Cakir, Y., Kaya, S., & Beidaghi, S. (2022). Diamond Open Access Journals Germany (DOAG). Bielefeld University. https://doi.org/10.4119/unibi/296333 [↩]
7. Pogačnik, Aleš. ‘Slovenske Znanstvene Revije v Letu 2021’. Organizacija Znanja 27, no. 1–2 (2022): 1–30. https://doi.org/10.3359/oz2227002. [↩]
8. Astrid Aschehoug. Les pôles éditoriaux : contexte, état des lieux et perspectives. [Rapport de recherche] CNRS. 2022. ⟨hal-03616773⟩ [↩]
9. Caroline Dandurand. Préfiguration d’une structuration collective des éditeurs scientifiques publics engagés dans la science ouverte. [Rapport de recherche] Comité pour la science ouverte. 2022, 86 p. ⟨hal-03713434⟩ [↩]
10. Avec Subscribe to open, il s’agit d’aider un éditeur à ouvrir ses revues en continuant de s’y abonner. La revue qui a adopté le modèle S2O passe alors en full open access Diamant (elle ne propose pas d’APC à ses auteurs). Ce système ne peut fonctionner qu’à une condition : il faut pour cela qu’un niveau minimal d’abonnements soit atteint, au risque que la revue rebascule en accès fermé. Le succès de S2O se mesure donc sur le long-terme, en fonction des réabonnements des bibliothèques, année après année. Les bibliothèques universitaires sont au centre du dispositif Subscribe to Open (S2O). Par leur décision de soutenir le modèle S2O en s’abonnant puis en renouvelant successivement leurs abonnements, les bibliothèques deviennent donc des promotrices de la science ouverte. Malgré tout, si trop de bibliothèques décident de se désabonner (pour des raisons budgétaires ou parce qu’elles n’auront plus de suivi sur les statistiques d’usage – vu qu’il n’y aura plus de système d’authentification), et que la revue n’atteint plus le minimum requis d’abonnements, la revue rebasculera en accès fermé. [↩]
11. https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/le-soutien-l-edition-scientifique-46559 [↩]
12. https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=3132#tocto1n2 [↩] [↩]
13. En date du mois de juin 2023 [↩] [↩]
14. Feuille de route du Réseau science ouverte entre les agences de financement françaises pour 2023 https://anr.fr/fr/actualites-de-lanr/details/news/science-ouverte-la-feuille-de-route-du-reseau-des-agences-de-financement-pour-lannee-2023/ [↩]
15. https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-9616-2023-INIT/fr/pdf [↩]

---

---